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16 OCTOBRE 2025 (#109)
LA TUTELLE DES SACHANTS...
Julien Benda (1867–1956) dénonçait dans “La Trahison des clercs”(1927) ceux qui, au lieu de servir la vérité universelle, se mettaient au service de leurs passions politiques. Presque un siècle plus tard, la mise en garde demeure brûlante…
Julien Benda (1867–1956) dénonçait dans “La Trahison des clercs”(1927) ceux qui, au lieu de servir la vérité universelle, se mettaient au service des passions politiques. Presque un siècle plus tard, la mise en garde demeure brûlante.
Technocrates, journalistes, juges, hauts fonctionnaires, enseignants : ces “nouveaux clercs” forment l’ossature intellectuelle des démocraties modernes. Dépositaires autoproclamés des “valeurs républicaines”, ils prétendent défendre les institutions contre les “dérives populistes”. Mais à force de se poser en remparts, ne sont-ils pas devenus eux-mêmes une menace pour l’équilibre démocratique ?
Du service, ils sont passés au magistère. Le technocrate décrète, le journaliste moralise, le juge réécrit la loi, le haut fonctionnaire négocie sa carrière, l’enseignant façonne les consciences. Tous parlent d’intérêt général, mais agissent souvent au nom d’une même vision du monde : progressisme sociétal, européisme, écologisme de principe, méfiance envers le peuple.
Ce consensus idéologique, produit d’un entre-soi social et culturel, s’impose comme unique horizon du pensable. Ceux qui s’en écartent sont suspects. Et sous couvert de “contre-pouvoirs”, ces élites non élues corrigent ou censurent la volonté populaire au nom d’une légitimité morale qu’elles se sont octroyée.
Du coup, la défiance s’installe. Les citoyens perçoivent la République comme le domaine privé d’une caste qui parle en leur nom sans les écouter. Restaurer la confiance exige un retour à l’essentiel : neutralité, réserve, humilité. La République n’attend pas des guides, mais des serviteurs.
LE TECHNOCRATE
Le technocrate puise sa légitimité dans son expertise, jamais dans le suffrage. Sa fonction première consiste à éclairer les décisions politiques…
LE TECHNOCRATE
Le technocrate puise sa légitimité dans son expertise, jamais dans le suffrage. Sa fonction première consiste à éclairer les décisions politiques par des analyses rigoureuses, des données vérifiables, des scénarios méthodiquement chiffrés. Il conseille sans décider, met en œuvre sans gouverner. Son pouvoir s’arrête là où commence la délibération démocratique.
La transgression commence précisément lorsque l’expert s’érige en oracle. Lorsqu’il présente ses recommandations non comme des options parmi d’autres, mais comme des vérités scientifiques indiscutables. Lorsqu’il traite ses modèles économétriques comme des lois physiques immuables. Lorsqu’il confond rationalité technique et légitimité démocratique, efficacité théorique et consentement populaire. Le savoir, aussi pointu soit-il, ne constitue pas un mandat. L’expertise ne saurait se substituer au vote.
Ainsi des traités ont été ratifiés par voie parlementaire après avoir été refusés par référendum. Des réformes structurelles ont été dictées par des institutions technocratiques à des gouvernements élus, réduisant ces derniers au rôle d’exécutants dociles…
Cette dérive repose sur une double confusion. D’abord, l’illusion qu’il existerait une « bonne politique » objectivement identifiable par l’analyse technique, indépendamment des valeurs et des choix de société. Ensuite, l’arrogance de croire que le peuple, insuffisamment éduqué ou trop émotif, doit être protégé de ses propres décisions par une élite éclairée. Cette posture n’est rien d’autre qu’un paternalisme technocratique qui infantilise les citoyens.
Un technocrate respectueux de son rôle accepte l’incomplétude de son savoir. Il reconnaît que ses analyses peuvent être contestées, ses recommandations écartées, ses certitudes démenties par les faits. Il admet que face aux questions politiques fondamentales – quelle société voulons-nous ? quel équilibre entre liberté et sécurité ? quelle justice entre générations ? – son expertise ne lui confère aucun privilège. Il sert un projet politique démocratiquement défini ; il ne le dicte pas.
Le technocrate puise sa légitimité dans son expertise, jamais dans le suffrage. Sa fonction première consiste à éclairer les décisions politiques par des analyses rigoureuses, des données vérifiables, des scénarios méthodiquement chiffrés. Il conseille sans décider, met en œuvre sans gouverner. Son pouvoir s’arrête là où commence la délibération démocratique.
La transgression commence précisément lorsque l’expert s’érige en oracle. Lorsqu’il présente ses recommandations non comme des options parmi d’autres, mais comme des vérités scientifiques indiscutables. Lorsqu’il traite ses modèles économétriques comme des lois physiques immuables. Lorsqu’il confond rationalité technique et légitimité démocratique, efficacité théorique et consentement populaire. Le savoir, aussi pointu soit-il, ne constitue pas un mandat. L’expertise ne saurait se substituer au vote.
Ainsi des traités ont été ratifiés par voie parlementaire après avoir été refusés par référendum. Des réformes structurelles ont été dictées par des institutions technocratiques à des gouvernements élus, réduisant ces derniers au rôle d’exécutants dociles…
Cette dérive repose sur une double confusion. D’abord, l’illusion qu’il existerait une « bonne politique » objectivement identifiable par l’analyse technique, indépendamment des valeurs et des choix de société. Ensuite, l’arrogance de croire que le peuple, insuffisamment éduqué ou trop émotif, doit être protégé de ses propres décisions par une élite éclairée. Cette posture n’est rien d’autre qu’un paternalisme technocratique qui infantilise les citoyens.
Un technocrate respectueux de son rôle accepte l’incomplétude de son savoir. Il reconnaît que ses analyses peuvent être contestées, ses recommandations écartées, ses certitudes démenties par les faits. Il admet que face aux questions politiques fondamentales – quelle société voulons-nous ? quel équilibre entre liberté et sécurité ? quelle justice entre générations ? – son expertise ne lui confère aucun privilège. Il sert un projet politique démocratiquement défini ; il ne le dicte pas.
LE JOURNALISTE
Le journaliste informe, il n’édifie pas. Il établit les faits avec rigueur, révèle les mécanismes du pouvoir, contextualise l’actualité…
LE JOURNALISTE
Le journaliste informe, il n’édifie pas. Il établit les faits avec rigueur, révèle les mécanismes du pouvoir, contextualise l’actualité pour en faciliter la compréhension. Sa mission cardinale : fournir aux citoyens les clés nécessaires pour se forger leur propre jugement. Il témoigne sans plaider, relate sans orienter, questionne sans insinuer.
La frontière entre information et propagande s’efface lorsque le journaliste devient éditorialiste permanent. Lorsqu’il sélectionne l’information non selon sa pertinence mais selon sa conformité à sa vision du monde. Lorsqu’il hiérarchise les sujets selon l’agenda politique qu’il entend promouvoir. Lorsqu’il transforme insidieusement le reportage en plaidoyer, l’enquête en réquisitoire, l’interview en tribune.
Cette dérive affecte particulièrement le traitement de sujets clivants : immigration, écologie, questions sociétales, relations internationales. L’angle choisi révèle déjà l’orientation : parlera-t-on de « migrants » ou de « clandestins » ? De « manifestants » ou d' »émeutiers » ? Le choix des experts consultés oriente le débat : pour chaque sujet sensible, certaines voix sont systématiquement sollicitées tandis que d’autres demeurent inaudibles. La sélection des faits rapportés et de ceux passés sous silence construit une narration partiale. Même le vocabulaire employé trahit souvent un parti pris préalable.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les enquêtes successives, près de 70% des Français estiment que les médias ne sont pas neutres politiquement. Cette défiance massive mine l’autorité journalistique et provoque un phénomène inquiétant : la fragmentation de l’espace informationnel. Privés de sources fiables et communes, les citoyens se réfugient dans des bulles informationnelles où leurs convictions préalables sont confortées, où les faits sont sélectionnés selon leur conformité idéologique. Les réseaux sociaux et les médias alternatifs, parfois bien moins rigoureux, comblent le vide laissé par des médias traditionnels discrédités.
Le problème s’aggrave lorsque le journaliste revendique explicitement son militantisme. Certains assument sans fard leur rôle « d’éducateurs » du public, considérant qu’il est de leur responsabilité d’orienter l’opinion dans le « bon » sens, de lutter contre les « idées dangereuses », de « déconstruire » les préjugés populaires. Cette posture, aussi bien intentionnée soit-elle, constitue une trahison de la fonction journalistique.
Le journaliste doit trancher : informer ou convaincre, témoigner ou militer. S’il souhaite promouvoir une cause, qu’il le fasse ouvertement en quittant le journalisme pour l’engagement politique ou associatif. Mais tant qu’il revendique l’objectivité et l’impartialité comme fondements de sa légitimité professionnelle, il doit s’y tenir avec une rigueur inflexible. L’information est un bien trop précieux pour être instrumentalisée.
Le journaliste informe, il n’édifie pas. Il établit les faits avec rigueur, révèle les mécanismes du pouvoir, contextualise l’actualité pour en faciliter la compréhension. Sa mission cardinale : fournir aux citoyens les clés nécessaires pour se forger leur propre jugement. Il témoigne sans plaider, relate sans orienter, questionne sans insinuer.
La frontière entre information et propagande s’efface lorsque le journaliste devient éditorialiste permanent. Lorsqu’il sélectionne l’information non selon sa pertinence mais selon sa conformité à sa vision du monde. Lorsqu’il hiérarchise les sujets selon l’agenda politique qu’il entend promouvoir. Lorsqu’il transforme insidieusement le reportage en plaidoyer, l’enquête en réquisitoire, l’interview en tribune.
Cette dérive affecte particulièrement le traitement de sujets clivants : immigration, écologie, questions sociétales, relations internationales. L’angle choisi révèle déjà l’orientation : parlera-t-on de « migrants » ou de « clandestins » ? De « manifestants » ou d' »émeutiers » ? Le choix des experts consultés oriente le débat : pour chaque sujet sensible, certaines voix sont systématiquement sollicitées tandis que d’autres demeurent inaudibles. La sélection des faits rapportés et de ceux passés sous silence construit une narration partiale. Même le vocabulaire employé trahit souvent un parti pris préalable.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les enquêtes successives, près de 70% des Français estiment que les médias ne sont pas neutres politiquement. Cette défiance massive mine l’autorité journalistique et provoque un phénomène inquiétant : la fragmentation de l’espace informationnel. Privés de sources fiables et communes, les citoyens se réfugient dans des bulles informationnelles où leurs convictions préalables sont confortées, où les faits sont sélectionnés selon leur conformité idéologique. Les réseaux sociaux et les médias alternatifs, parfois bien moins rigoureux, comblent le vide laissé par des médias traditionnels discrédités.
Le problème s’aggrave lorsque le journaliste revendique explicitement son militantisme. Certains assument sans fard leur rôle « d’éducateurs » du public, considérant qu’il est de leur responsabilité d’orienter l’opinion dans le « bon » sens, de lutter contre les « idées dangereuses », de « déconstruire » les préjugés populaires. Cette posture, aussi bien intentionnée soit-elle, constitue une trahison de la fonction journalistique.
Le journaliste doit trancher : informer ou convaincre, témoigner ou militer. S’il souhaite promouvoir une cause, qu’il le fasse ouvertement en quittant le journalisme pour l’engagement politique ou associatif. Mais tant qu’il revendique l’objectivité et l’impartialité comme fondements de sa légitimité professionnelle, il doit s’y tenir avec une rigueur inflexible. L’information est un bien trop précieux pour être instrumentalisée.
LE JUGE
Le juge dit le droit en application de la loi, jamais selon ses préférences personnelles. Il tranche les litiges par une interprétation méthodique des textes…
LE JUGE
Le juge dit le droit en application de la loi, jamais selon ses préférences personnelles. Il tranche les litiges par une interprétation méthodique des textes, non par l’improvisation morale ou l’intuition sentimentale. Sa légitimité repose entièrement sur son impartialité : il ne représente aucun camp, ne défend aucune cause, n’incarne aucune vision particulière du bien ou du juste. Il est la voix anonyme de la loi.
Cette neutralité cardinale se fissure lorsque certains magistrats revendiquent un rôle « d’acteurs du changement social ». Le Syndicat de la magistrature assume publiquement des positions politiques marquées, contestant frontalement les lois votées par le Parlement, manifestant contre certaines réformes, dénonçant ce qu’il perçoit comme des injustices structurelles. Des magistrats publient des tribunes, signent des pétitions, participent à des débats militants. Certaines décisions judiciaires semblent davantage inspirées par des considérations sociologiques – la situation sociale du prévenu, son parcours, son origine – que par la stricte application du droit.
Cette politisation rampante de la justice fragilise dangereusement l’État de droit. Lorsqu’un juge se comporte en militant, fût-ce pour des causes généreuses, il perd instantanément sa crédibilité d’arbitre impartial. Les justiciables ne peuvent plus se fier à une justice aveugle, mais soupçonnent légitimement des partis pris. La confiance dans l’institution judiciaire s’érode, laissant place au sentiment d’une justice à géométrie variable, clémente avec certains groupes et sévère avec d’autres.
Le problème s’aggrave avec la multiplication des recours à des principes flous – « dignité humaine », « intérêt supérieur », « proportionnalité » – dont l’interprétation extensive permet au juge de substituer son appréciation personnelle à celle du législateur. Le juge constitutionnel, en particulier, dispose d’un pouvoir considérable pour censurer les lois au nom de principes qu’il définit lui-même progressivement. Cette situation crée un gouvernement des juges qui s’apparente à une oligarchie en robe.
L’indépendance de la justice – conquête démocratique essentielle – exige impérieusement la neutralité de ses acteurs. Un magistrat, comme tout citoyen, peut nourrir des opinions personnelles, des convictions politiques, des engagements moraux. Mais il ne doit jamais, au grand jamais, les laisser influencer ses décisions. Sa seule et unique boussole doit être la loi, telle qu’adoptée par les représentants du peuple. Lorsque la loi lui semble injuste, il l’applique néanmoins et laisse au législateur le soin de la modifier. C’est ce renoncement qui garantit son impartialité.
Le juge dit le droit en application de la loi, jamais selon ses préférences personnelles. Il tranche les litiges par une interprétation méthodique des textes, non par l’improvisation morale ou l’intuition sentimentale. Sa légitimité repose entièrement sur son impartialité : il ne représente aucun camp, ne défend aucune cause, n’incarne aucune vision particulière du bien ou du juste. Il est la voix anonyme de la loi.
Cette neutralité cardinale se fissure lorsque certains magistrats revendiquent un rôle « d’acteurs du changement social ». Le Syndicat de la magistrature assume publiquement des positions politiques marquées, contestant frontalement les lois votées par le Parlement, manifestant contre certaines réformes, dénonçant ce qu’il perçoit comme des injustices structurelles. Des magistrats publient des tribunes, signent des pétitions, participent à des débats militants. Certaines décisions judiciaires semblent davantage inspirées par des considérations sociologiques – la situation sociale du prévenu, son parcours, son origine – que par la stricte application du droit.
Cette politisation rampante de la justice fragilise dangereusement l’État de droit. Lorsqu’un juge se comporte en militant, fût-ce pour des causes généreuses, il perd instantanément sa crédibilité d’arbitre impartial. Les justiciables ne peuvent plus se fier à une justice aveugle, mais soupçonnent légitimement des partis pris. La confiance dans l’institution judiciaire s’érode, laissant place au sentiment d’une justice à géométrie variable, clémente avec certains groupes et sévère avec d’autres.
Le problème s’aggrave avec la multiplication des recours à des principes flous – « dignité humaine », « intérêt supérieur », « proportionnalité » – dont l’interprétation extensive permet au juge de substituer son appréciation personnelle à celle du législateur. Le juge constitutionnel, en particulier, dispose d’un pouvoir considérable pour censurer les lois au nom de principes qu’il définit lui-même progressivement. Cette situation crée un gouvernement des juges qui s’apparente à une oligarchie en robe.
L’indépendance de la justice – conquête démocratique essentielle – exige impérieusement la neutralité de ses acteurs. Un magistrat, comme tout citoyen, peut nourrir des opinions personnelles, des convictions politiques, des engagements moraux. Mais il ne doit jamais, au grand jamais, les laisser influencer ses décisions. Sa seule et unique boussole doit être la loi, telle qu’adoptée par les représentants du peuple. Lorsque la loi lui semble injuste, il l’applique néanmoins et laisse au législateur le soin de la modifier. C’est ce renoncement qui garantit son impartialité.
LE HAUT FONCTIONNAIRE
Le haut fonctionnaire incarne la continuité et la mémoire de l’État par-delà les alternances politiques…
LE HAUT FONCTIONNAIRE
Le haut fonctionnaire incarne la continuité et la mémoire de l’État par-delà les alternances politiques. Il assure la mise en œuvre des décisions publiques avec compétence et loyauté, quel que soit le gouvernement en place, quelle que soit sa couleur politique. Sa force réside précisément dans cette neutralité et cette permanence du service public. Il est le rouage qui fait tourner la machine étatique sans à-coups.
Cette mission s’est considérablement obscurcie avec la banalisation des allers-retours entre secteur public et secteur privé. Le phénomène de « pantouflage » – ce passage d’une haute fonction administrative vers des entreprises privées souvent régulées par l’État – crée des conflits d’intérêts patents. Comment accorder sa confiance à un régulateur qui négocie déjà discrètement son futur poste dans le secteur qu’il est censé superviser ? Comment croire en l’impartialité d’un décideur public qui anticipe sa reconversion dans le privé ?
Les exemples abondent et alimentent le sentiment d’un système corrompu. D’anciens directeurs d’administration rejoignent les conseils d’administration de multinationales. Des ex-ministres monnayent leur carnet d’adresses et leur connaissance des arcanes administratives auprès de cabinets de conseil ou de lobbies. Des hauts fonctionnaires oscillent entre postes publics stratégiques et positions lucratives dans le privé, accumulant au passage des informations confidentielles et des réseaux d’influence. Cette porosité entre public et privé nourrit légitimement le soupçon d’un État capturé, où les décisions publiques servent d’abord les intérêts privés de ceux qui les prennent.
Le problème ne se limite pas à la corruption individuelle, aussi choquante soit-elle. Il révèle une transformation plus profonde : la conception même du service public s’est érodée. Là où il représentait jadis un engagement durable, presque sacerdotal, au service de l’intérêt général, il est devenu pour certains une étape de carrière, un tremplin vers des positions plus rémunératrices. La fonction publique n’est plus vécue comme une vocation mais comme une opportunité.
Cette dérive s’accompagne d’une capture intellectuelle. Les hauts fonctionnaires, formés dans les mêmes écoles d’élite, partagent avec les dirigeants d’entreprise un même langage, une même vision du monde, une même adhésion aux logiques managériales et aux dogmes néolibéraux. La frontière entre intérêt public et intérêt privé devient floue, puisque l’un et l’autre sont pensés dans les mêmes termes : efficacité, performance, optimisation.
Les solutions existent mais exigent une volonté politique ferme. Renforcer drastiquement les règles déontologiques. Allonger les délais de carence entre fonction publique et secteur privé. Clarifier les incompatibilités et les sanctionner sévèrement. Revaloriser le statut et la rémunération des hauts fonctionnaires pour que le service public redevienne attractif en lui-même. Cultiver une culture du service de l’État qui ne soit pas qu’un vernis. Le service public doit redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un engagement au long cours, pas un stage rémunéré avant l’enrichissement personnel.
Le haut fonctionnaire incarne la continuité et la mémoire de l’État par-delà les alternances politiques. Il assure la mise en œuvre des décisions publiques avec compétence et loyauté, quel que soit le gouvernement en place, quelle que soit sa couleur politique. Sa force réside précisément dans cette neutralité et cette permanence du service public. Il est le rouage qui fait tourner la machine étatique sans à-coups.
Cette mission s’est considérablement obscurcie avec la banalisation des allers-retours entre secteur public et secteur privé. Le phénomène de « pantouflage » – ce passage d’une haute fonction administrative vers des entreprises privées souvent régulées par l’État – crée des conflits d’intérêts patents. Comment accorder sa confiance à un régulateur qui négocie déjà discrètement son futur poste dans le secteur qu’il est censé superviser ? Comment croire en l’impartialité d’un décideur public qui anticipe sa reconversion dans le privé ?
Les exemples abondent et alimentent le sentiment d’un système corrompu. D’anciens directeurs d’administration rejoignent les conseils d’administration de multinationales. Des ex-ministres monnayent leur carnet d’adresses et leur connaissance des arcanes administratives auprès de cabinets de conseil ou de lobbies. Des hauts fonctionnaires oscillent entre postes publics stratégiques et positions lucratives dans le privé, accumulant au passage des informations confidentielles et des réseaux d’influence. Cette porosité entre public et privé nourrit légitimement le soupçon d’un État capturé, où les décisions publiques servent d’abord les intérêts privés de ceux qui les prennent.
Le problème ne se limite pas à la corruption individuelle, aussi choquante soit-elle. Il révèle une transformation plus profonde : la conception même du service public s’est érodée. Là où il représentait jadis un engagement durable, presque sacerdotal, au service de l’intérêt général, il est devenu pour certains une étape de carrière, un tremplin vers des positions plus rémunératrices. La fonction publique n’est plus vécue comme une vocation mais comme une opportunité.
Cette dérive s’accompagne d’une capture intellectuelle. Les hauts fonctionnaires, formés dans les mêmes écoles d’élite, partagent avec les dirigeants d’entreprise un même langage, une même vision du monde, une même adhésion aux logiques managériales et aux dogmes néolibéraux. La frontière entre intérêt public et intérêt privé devient floue, puisque l’un et l’autre sont pensés dans les mêmes termes : efficacité, performance, optimisation.
Les solutions existent mais exigent une volonté politique ferme. Renforcer drastiquement les règles déontologiques. Allonger les délais de carence entre fonction publique et secteur privé. Clarifier les incompatibilités et les sanctionner sévèrement. Revaloriser le statut et la rémunération des hauts fonctionnaires pour que le service public redevienne attractif en lui-même. Cultiver une culture du service de l’État qui ne soit pas qu’un vernis. Le service public doit redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un engagement au long cours, pas un stage rémunéré avant l’enrichissement personnel.
« La République n’a pas besoin de clercs qui s'en libèrent mais de serviteurs qui l'incarnent »
L’ENSEIGNANT
L’enseignant transmet des savoirs établis, forme des esprits critiques, dote ses élèves des outils intellectuels nécessaires pour penser par eux-mêmes…
L’ENSEIGNANT
L’enseignant transmet des savoirs établis, forme des esprits critiques, dote ses élèves des outils intellectuels nécessaires pour penser par eux-mêmes et naviguer dans la complexité du monde. Sa mission fondamentale : instruire sans endoctriner, éduquer sans formater. Il expose des faits vérifiés, présente des théories concurrentes, cartographie les débats intellectuels. Il n’impose jamais de conclusions toutes faites.
Cette neutralité pédagogique – condition sine qua non d’une éducation libératrice – vacille dangereusement lorsque l’enseignant se mue en militant. Lorsqu’il sélectionne les auteurs au programme selon leur conformité idéologique plutôt que selon leur importance historique ou littéraire. Lorsqu’il présente l’histoire sous un angle unique, celui du procès plutôt que celui de la compréhension. Lorsqu’il transforme subrepticement son cours en tribune pour ses convictions personnelles. Lorsqu’il substitue à l’apprentissage du doute méthodique l’adhésion à une grille de lecture préétablie.
L’Éducation nationale elle-même encourage parfois ces dérives par des programmes orientés ou des formations continues imprégnées de théories militantes. Certains manuels scolaires reflètent davantage les préoccupations idéologiques de leurs auteurs que l’état des connaissances académiques. Des « éducations à » prolifèrent – éducation à la citoyenneté, au développement durable, à l’égalité femmes-hommes, à la lutte contre les discriminations – qui relèvent davantage de l’endoctrinement moral que de la transmission de savoirs.
Les enquêtes révèlent une politisation croissante et asymétrique du corps enseignant, particulièrement marquée dans certaines disciplines comme l’histoire, les sciences sociales ou la littérature. Cette homogénéité idéologique crée un environnement intellectuel étouffant où les élèves qui ne partagent pas les opinions dominantes apprennent rapidement à s’autocensurer. Les parents, eux, constatent avec inquiétude que leurs enfants reviennent de l’école non pas avec des capacités de réflexion renforcées et des connaissances élargies, mais avec des opinions préformées et des catéchismes militants.
Le problème atteint une gravité particulière dans l’enseignement de l’histoire, discipline éminemment politique. Plutôt que d’enseigner les événements dans leur complexité, de les replacer dans leur contexte, de montrer les causalités multiples et les responsabilités partagées, certains enseignants préfèrent une lecture moralisatrice et anachronique, jugeant le passé à l’aune des valeurs présentes, transformant le cours d’histoire en un long réquisitoire contre les crimes de l’Occident.
L’école républicaine repose pourtant sur un principe lumineux dans sa simplicité : transmettre les savoirs communs qui permettront aux futurs citoyens de débattre en connaissance de cause, sur un pied d’égalité intellectuelle. Elle ne doit pas fabriquer des citoyens conformes à un modèle prédéfini, mais des esprits libres capables de penser contre eux-mêmes et contre les idées reçues. L’enseignant qui trahit cette mission, fût-ce avec les meilleures intentions du monde, affaiblit la démocratie qu’il prétend servir. Car une démocratie ne peut fonctionner sainement que si les citoyens ont appris à penser, pas à répéter.
L’enseignant transmet des savoirs établis, forme des esprits critiques, dote ses élèves des outils intellectuels nécessaires pour penser par eux-mêmes et naviguer dans la complexité du monde. Sa mission fondamentale : instruire sans endoctriner, éduquer sans formater. Il expose des faits vérifiés, présente des théories concurrentes, cartographie les débats intellectuels. Il n’impose jamais de conclusions toutes faites.
Cette neutralité pédagogique – condition sine qua non d’une éducation libératrice – vacille dangereusement lorsque l’enseignant se mue en militant. Lorsqu’il sélectionne les auteurs au programme selon leur conformité idéologique plutôt que selon leur importance historique ou littéraire. Lorsqu’il présente l’histoire sous un angle unique, celui du procès plutôt que celui de la compréhension. Lorsqu’il transforme subrepticement son cours en tribune pour ses convictions personnelles. Lorsqu’il substitue à l’apprentissage du doute méthodique l’adhésion à une grille de lecture préétablie.
L’Éducation nationale elle-même encourage parfois ces dérives par des programmes orientés ou des formations continues imprégnées de théories militantes. Certains manuels scolaires reflètent davantage les préoccupations idéologiques de leurs auteurs que l’état des connaissances académiques. Des « éducations à » prolifèrent – éducation à la citoyenneté, au développement durable, à l’égalité femmes-hommes, à la lutte contre les discriminations – qui relèvent davantage de l’endoctrinement moral que de la transmission de savoirs.
Les enquêtes révèlent une politisation croissante et asymétrique du corps enseignant, particulièrement marquée dans certaines disciplines comme l’histoire, les sciences sociales ou la littérature. Cette homogénéité idéologique crée un environnement intellectuel étouffant où les élèves qui ne partagent pas les opinions dominantes apprennent rapidement à s’autocensurer. Les parents, eux, constatent avec inquiétude que leurs enfants reviennent de l’école non pas avec des capacités de réflexion renforcées et des connaissances élargies, mais avec des opinions préformées et des catéchismes militants.
Le problème atteint une gravité particulière dans l’enseignement de l’histoire, discipline éminemment politique. Plutôt que d’enseigner les événements dans leur complexité, de les replacer dans leur contexte, de montrer les causalités multiples et les responsabilités partagées, certains enseignants préfèrent une lecture moralisatrice et anachronique, jugeant le passé à l’aune des valeurs présentes, transformant le cours d’histoire en un long réquisitoire contre les crimes de l’Occident.
L’école républicaine repose pourtant sur un principe lumineux dans sa simplicité : transmettre les savoirs communs qui permettront aux futurs citoyens de débattre en connaissance de cause, sur un pied d’égalité intellectuelle. Elle ne doit pas fabriquer des citoyens conformes à un modèle prédéfini, mais des esprits libres capables de penser contre eux-mêmes et contre les idées reçues. L’enseignant qui trahit cette mission, fût-ce avec les meilleures intentions du monde, affaiblit la démocratie qu’il prétend servir. Car une démocratie ne peut fonctionner sainement que si les citoyens ont appris à penser, pas à répéter.
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