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30 OCTOBRE 2025 (#119)
UNE SEULE SOLUTION : UN “NEW DEAL SOCIAL”
Et si la France avait tout faux ? Elle dépense trop, travaille peu, produit moins, s’endette toujours mais continue à rêver de grandeur, de justice sociale et de souveraineté retrouvée.…
Et si la France avait tout faux ? Elle dépense trop, travaille peu, produit moins, s’endette toujours mais continue à rêver de grandeur, de justice sociale et de souveraineté retrouvée. Et surtout elle s’imagine en plus pouvoir préserver son modèle social des trente glorieuses. Funestes illusions…
Nouveau modèle social, dépenser moins, travailler plus, redevenir maîtres de notre destin… S’agit‑il d’une injonction comptable ou d’une ambition salutaire ? Ce débat, c’est notre choix de société à venir. En 2027
Nouveau modèle social, dépenser moins, travailler plus, redevenir maîtres de notre destin… S’agit‑il d’une injonction comptable ou d’une ambition salutaire ? Ce débat, c’est notre choix de société à venir. En 2027
FAITS & CHIFFRES
En 2023, la France conserve le niveau de dépenses publiques le plus élevé de l’Union européenne, atteignant 57,3 % du PIB…
FAITS & CHIFFRES
En 2023, la France conserve le niveau de dépenses publiques le plus élevé de l’Union européenne, atteignant 57,3 % du PIB, devant la Finlande (55,6 %) et la Belgique (54,7 %), loin devant la moyenne de la zone euro (50,7 %). (Eurostat, « General government expenditure », mars 2024) :contentReference[oaicite:0]{index=0}
Le taux de prélèvements obligatoires en France reste extrêmement élevé, à 45,4 % du PIB, ce qui place le pays parmi les trois plus imposés de l’OCDE, derrière le Danemark et la Belgique. (OCDE, « Revenue Statistics 2023 », décembre 2023) :contentReference[oaicite:1]{index=1}
La dette publique française atteint 3 068 milliards d’euros fin 2023, soit 111,9 % du PIB. Elle reste largement au‑dessus des niveaux allemands (64 %) mais en deçà de l’Italie (140 %). (INSEE, « Dette publique – comptes nationaux », mars 2024)
Le déficit public s’établit à ‑5,5 % du PIB en 2023, malgré une croissance modeste de 0,9 %. Ce chiffre dépasse largement celui de l’Allemagne (‑2,2 %) et des Pays‑Bas (‑1,1 %). (INSEE, « Comptes nationaux – déficit public 2023 », mars 2024) :contentReference[oaicite:2]{index=2}
Les Français travaillent moins que la moyenne des pays développés : 1 490 heures par an, contre 1 556 en Allemagne, 1 794 aux États‑Unis et 2 027 en Corée du Sud. (OCDE, « Average annual hours actually worked per worker », 2023)
Le taux d’emploi des 15‑64 ans reste faible en France : 68,1 % en 2023, contre 76,5 % en Allemagne et une moyenne européenne de 74,6 %. Le taux chute à 56,9 % pour les seniors, contre 62 % dans l’UE. (Eurostat, « Employment rate by sex, age and country of birth », 2023)
La désindustrialisation française se poursuit : la part de l’industrie dans le PIB est tombée à 13,5 % en 2022, contre 20,5 % en Allemagne et 26,9 % dans certains pays industrialisés. En 1980, ce taux dépassait encore 25 % en France. (INSEE, « L’industrie en France », édition 2023)
La dépendance sanitaire reste forte : 80 % des principes actifs des médicaments utilisés en France sont produits hors de l’Union européenne, principalement en Inde et en Chine. (Sénat, « Rapport d’information sur la souveraineté sanitaire », juillet 2020)
En 2023, la France conserve le niveau de dépenses publiques le plus élevé de l’Union européenne, atteignant 57,3 % du PIB, devant la Finlande (55,6 %) et la Belgique (54,7 %), loin devant la moyenne de la zone euro (50,7 %). (Eurostat, « General government expenditure », mars 2024) :contentReference[oaicite:0]{index=0}
Le taux de prélèvements obligatoires en France reste extrêmement élevé, à 45,4 % du PIB, ce qui place le pays parmi les trois plus imposés de l’OCDE, derrière le Danemark et la Belgique. (OCDE, « Revenue Statistics 2023 », décembre 2023) :contentReference[oaicite:1]{index=1}
La dette publique française atteint 3 068 milliards d’euros fin 2023, soit 111,9 % du PIB. Elle reste largement au‑dessus des niveaux allemands (64 %) mais en deçà de l’Italie (140 %). (INSEE, « Dette publique – comptes nationaux », mars 2024)
Le déficit public s’établit à ‑5,5 % du PIB en 2023, malgré une croissance modeste de 0,9 %. Ce chiffre dépasse largement celui de l’Allemagne (‑2,2 %) et des Pays‑Bas (‑1,1 %). (INSEE, « Comptes nationaux – déficit public 2023 », mars 2024) :contentReference[oaicite:2]{index=2}
Les Français travaillent moins que la moyenne des pays développés : 1 490 heures par an, contre 1 556 en Allemagne, 1 794 aux États‑Unis et 2 027 en Corée du Sud. (OCDE, « Average annual hours actually worked per worker », 2023)
Le taux d’emploi des 15‑64 ans reste faible en France : 68,1 % en 2023, contre 76,5 % en Allemagne et une moyenne européenne de 74,6 %. Le taux chute à 56,9 % pour les seniors, contre 62 % dans l’UE. (Eurostat, « Employment rate by sex, age and country of birth », 2023)
La désindustrialisation française se poursuit : la part de l’industrie dans le PIB est tombée à 13,5 % en 2022, contre 20,5 % en Allemagne et 26,9 % dans certains pays industrialisés. En 1980, ce taux dépassait encore 25 % en France. (INSEE, « L’industrie en France », édition 2023)
La dépendance sanitaire reste forte : 80 % des principes actifs des médicaments utilisés en France sont produits hors de l’Union européenne, principalement en Inde et en Chine. (Sénat, « Rapport d’information sur la souveraineté sanitaire », juillet 2020)
FLOP. Le débat éclaire des lignes de fracture classiques : rigueur versus relance, austérité versus protection sociale, productivisme versus qualité de vie. Le débat confirme le constat d’un modèle en tension…
FLOP. Le débat éclaire des lignes de fracture classiques : rigueur versus relance, austérité versus protection sociale, productivisme versus qualité de vie. Le débat confirme le constat d’un modèle en tension — dépenses publiques élevées, dette massive, désindustrialisation… — mais illustre une contradiction radicale sur les solutions.
On peut insister sur la discipline budgétaire et l’activation du travail comme leviers pour restaurer la souveraineté et la compétitivité. Les principes d’efficacité économique, d’effort collectif et de réduction de la sphère publique semblent relationnels et plaisent au peuple. Le diagnostic est clair, la stratégie proposée est cohérente. Mais elle fait l’impasse sur les effets sociaux à court terme, et sur la complexité des arbitrages humains, politiques et écologiques.
Alternativement, on peut contester la pertinence d’un traitement purement comptable. Elle rappelle que la dépense publique est aussi un investissement dans le lien social, la santé et l’avenir. Elle invite à redéfinir les priorités, à mieux répartir l’effort plutôt que le réduire. Sa force : éviter les visions simplistes du « travailler plus pour gagner plus », en revalorisant les logiques d’utilité sociale, d’inclusion et de coopération. Mais sa faiblesse est de sous-estimer les contraintes économiques réelles : soutenabilité de la dette, fuite des capitaux, compétitivité.
Le cœur du débat n’est donc pas uniquement économique : il est aussi philosophique. Il porte sur le rôle de l’État, le sens du travail, les finalités de la souveraineté, la hiérarchie des valeurs dans un monde fini.
On peut insister sur la discipline budgétaire et l’activation du travail comme leviers pour restaurer la souveraineté et la compétitivité. Les principes d’efficacité économique, d’effort collectif et de réduction de la sphère publique semblent relationnels et plaisent au peuple. Le diagnostic est clair, la stratégie proposée est cohérente. Mais elle fait l’impasse sur les effets sociaux à court terme, et sur la complexité des arbitrages humains, politiques et écologiques.
Alternativement, on peut contester la pertinence d’un traitement purement comptable. Elle rappelle que la dépense publique est aussi un investissement dans le lien social, la santé et l’avenir. Elle invite à redéfinir les priorités, à mieux répartir l’effort plutôt que le réduire. Sa force : éviter les visions simplistes du « travailler plus pour gagner plus », en revalorisant les logiques d’utilité sociale, d’inclusion et de coopération. Mais sa faiblesse est de sous-estimer les contraintes économiques réelles : soutenabilité de la dette, fuite des capitaux, compétitivité.
Le cœur du débat n’est donc pas uniquement économique : il est aussi philosophique. Il porte sur le rôle de l’État, le sens du travail, les finalités de la souveraineté, la hiérarchie des valeurs dans un monde fini.
FLIP. Dépenser moins, travailler plus: juste la réalité, sans aucune idéologie. La France vit au-dessus de ses moyens depuis des décennies. Avec 57,3 % de dépenses publiques et 45,4 % de prélèvements obligatoires, son modèle social, bien que généreux, est insoutenable…
FLIP. Dépenser moins, travailler plus: juste la réalité, sans aucune idéologie. La France vit au-dessus de ses moyens depuis des décennies. Avec 57,3 % de dépenses publiques et 45,4 % de prélèvements obligatoires, son modèle social, bien que généreux, est insoutenable.
Le déficit public atteint – 5 à -6 % du PIB, et la dette dépasse les 3 100 milliards d’euros. Ce niveau d’endettement contraint notre liberté budgétaire, menace notre crédibilité financière et fait peser un fardeau croissant sur les générations futures.
Pour rétablir nos finances, il faut dépenser moins, cibler mieux et réduire les gaspillages. Cela suppose de revoir les aides inefficaces, de lutter contre les doublons administratifs, de recentrer la sphère publique et de mettre fin à une logique d’État-providence illimitée. À terme, cette rigueur permettra de réduire les impôts qui pèsent sur les ménages et les entreprises, freinant l’investissement et l’emploi.
En parallèle, il faut travailler plus. Pas par semaine, mais tous ensemble dans toutes nos vies. Avec seulement 1 490 heures travaillées par an en moyenne, les Français sont loin des niveaux allemands (1 556) ou américains (1 794). Le taux d’emploi reste inférieur à la moyenne européenne, en particulier chez les seniors.
Ce déséquilibre entre actifs et inactifs, mine la compétitivité et alourdit la charge sur ceux qui travaillent. Allonger la durée du travail, réindustrialiser, inciter au retour à l’emploi, réduire le temps partiel subi : ces mesures sont incontournables.
Enfin, retrouver notre souveraineté économique impose de reconstruire notre base productive. La désindustrialisation a affaibli notre résilience. Une politique active de réindustrialisation, combinée à une baisse des charges, peut relancer la croissance et l’autonomie stratégique. Produire en France, c’est regagner du pouvoir sur notre avenir.
Le déficit public atteint – 5 à -6 % du PIB, et la dette dépasse les 3 100 milliards d’euros. Ce niveau d’endettement contraint notre liberté budgétaire, menace notre crédibilité financière et fait peser un fardeau croissant sur les générations futures.
Pour rétablir nos finances, il faut dépenser moins, cibler mieux et réduire les gaspillages. Cela suppose de revoir les aides inefficaces, de lutter contre les doublons administratifs, de recentrer la sphère publique et de mettre fin à une logique d’État-providence illimitée. À terme, cette rigueur permettra de réduire les impôts qui pèsent sur les ménages et les entreprises, freinant l’investissement et l’emploi.
En parallèle, il faut travailler plus. Pas par semaine, mais tous ensemble dans toutes nos vies. Avec seulement 1 490 heures travaillées par an en moyenne, les Français sont loin des niveaux allemands (1 556) ou américains (1 794). Le taux d’emploi reste inférieur à la moyenne européenne, en particulier chez les seniors.
Ce déséquilibre entre actifs et inactifs, mine la compétitivité et alourdit la charge sur ceux qui travaillent. Allonger la durée du travail, réindustrialiser, inciter au retour à l’emploi, réduire le temps partiel subi : ces mesures sont incontournables.
Enfin, retrouver notre souveraineté économique impose de reconstruire notre base productive. La désindustrialisation a affaibli notre résilience. Une politique active de réindustrialisation, combinée à une baisse des charges, peut relancer la croissance et l’autonomie stratégique. Produire en France, c’est regagner du pouvoir sur notre avenir.
FLAP. Réduire la dépense publique et travailler plus : l’ordonnance semble simple, mais elle est trompeuse. Derrière le discours d’efficacité budgétaire, se cache souvent une logique d’austérité qui fragilise les services publics…
FLAP. Réduire la dépense publique et travailler plus : l’ordonnance semble simple, mais elle est trompeuse. Derrière le discours d’efficacité budgétaire, se cache souvent une logique d’austérité qui fragilise les services publics, accroît les inégalités et étouffe la demande intérieure. La dépense publique française, bien qu’élevée, soutient un modèle social protecteur : santé, éducation, retraites, solidarité. Tailler à la hache reviendrait à dégrader la qualité de vie, tout en pesant sur la cohésion sociale.
Le problème n’est pas tant le niveau des dépenses que leur efficacité. Plutôt que de réduire les moyens, il faut les réorienter. Investir dans la transition écologique, la numérisation, la formation, la santé : voilà des dépenses utiles pour l’avenir, créatrices de croissance. Quant à la dette, elle reste soutenable tant que les taux d’intérêt sont maîtrisés et que la croissance repart. D’ailleurs, d’autres pays à forte dette (Japon, États-Unis) ne cèdent pas à l’obsession comptable.
Travailler plus ? La question mérite nuance. La France n’est pas un pays de paresseux, mais de productivité élevée. Le niveau d’heures travaillées est lié à des choix de société : retraite à 62 ans, congés, équilibre vie pro/vie perso. Forcer l’augmentation du temps de travail pourrait provoquer des effets contre-productifs sur la santé, la motivation et l’efficacité réelle. Ce qu’il faut, c’est augmenter le taux d’emploi, notamment des jeunes et des seniors, en agissant sur l’inclusion, la formation et les discriminations à l’embauche.
Quant à la souveraineté économique, elle ne se construit pas seulement par la réindustrialisation mais aussi par la coopération européenne, la diversification des partenariats et l’investissement stratégique.
A court et moyen terme, le protectionnisme brutal et dogmatique ne rendra pas la France plus forte.
Le problème n’est pas tant le niveau des dépenses que leur efficacité. Plutôt que de réduire les moyens, il faut les réorienter. Investir dans la transition écologique, la numérisation, la formation, la santé : voilà des dépenses utiles pour l’avenir, créatrices de croissance. Quant à la dette, elle reste soutenable tant que les taux d’intérêt sont maîtrisés et que la croissance repart. D’ailleurs, d’autres pays à forte dette (Japon, États-Unis) ne cèdent pas à l’obsession comptable.
Travailler plus ? La question mérite nuance. La France n’est pas un pays de paresseux, mais de productivité élevée. Le niveau d’heures travaillées est lié à des choix de société : retraite à 62 ans, congés, équilibre vie pro/vie perso. Forcer l’augmentation du temps de travail pourrait provoquer des effets contre-productifs sur la santé, la motivation et l’efficacité réelle. Ce qu’il faut, c’est augmenter le taux d’emploi, notamment des jeunes et des seniors, en agissant sur l’inclusion, la formation et les discriminations à l’embauche.
Quant à la souveraineté économique, elle ne se construit pas seulement par la réindustrialisation mais aussi par la coopération européenne, la diversification des partenariats et l’investissement stratégique.
A court et moyen terme, le protectionnisme brutal et dogmatique ne rendra pas la France plus forte.
« Je pense, donc je suis… sobre » René Descartes
BILLET Une seule issue possible : réinventer notre modèle social. Un pays qui prélève plus de 1 000 milliards d’euros chaque année peut-il vraiment être en faillite ? C’est bien le paradoxe français…
BILLET Une seule issue possible : réinventer notre modèle social
Un pays qui prélève plus de 1 000 milliards d’euros chaque année peut-il vraiment être en faillite ? C’est bien le paradoxe français.
La France détient l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés du monde développé, avec 42,8 % du PIB en 2024. Pourtant, le déficit atteint 169 milliards d’euros, soit 5,8 % de la richesse nationale, et la dette publique dépasse désormais 3 300 milliards, l’équivalent de 113 % du PIB.
Derrière ce paradoxe se cachent deux réalités bien distinctes. Le « bloc social » – retraites, santé, chômage, prestations diverses – absorbe près de 900 milliards d’euros par an, mais se finance largement par ses propres ressources et reste globalement à l’équilibre.
À côté, le « budget national », chargé des missions régaliennes comme l’éducation, la sécurité, la justice ou la défense, affiche un déficit chronique. En 2024, ses recettes nettes avoisinent 325 milliards d’euros quand ses dépenses dépassent 435 milliards. Rien que pour l’État, le trou atteint environ 110 milliards, auxquels s’ajoutent ceux des collectivités et des hôpitaux publics.
Le piège est clair : la masse du bloc social occupe tout l’espace fiscal, rendant toute hausse d’impôts impossible. La TVA culmine déjà à 20 %, l’impôt sur les sociétés à 25 %, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 45 %. Taxer davantage serait contre-productif. Or la croissance, qui oscille autour de 1 % par an, ne suffit pas à redresser les comptes. Résultat : la dette pourrait approcher 4 000 milliards d’ici 2029, soit autour de 130 % du PIB, tandis que la note souveraine de la France a déjà été abaissée en 2025.
Trois voies se dessinent désormais. Le statu quo, qui laisse filer les déficits jusqu’à la sanction des marchés. La réforme administrative, utile mais insuffisante pour inverser la tendance. Une refondation plus profonde : recentrer la solidarité publique sur un socle universel, confier aux complémentaires privées régulées une partie des prestations et restituer une partie des économies aux ménages et aux entreprises sous forme de baisse de charges.
Seul ce « New Deal social » pourrait stabiliser la dette autour de 115 % du PIB tout en redonnant du pouvoir d’achat et en renforçant la compétitivité.
La question n’est donc plus économique mais politique : faut-il refonder notre modèle social – justifié pendant les Trente Glorieuses par une croissance, une industrie, une démographie et un contexte favorables, mais devenu intenable – de l’intérieur, ou attendre que les marchés et l’Europe nous imposent la réforme de l’extérieur, par FMI interposé ?
Au-delà des chiffres : une crise de sens
Endettement public record, fatigue fiscale, fragilité industrielle, tensions sociales… Le diagnostic est connu, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mais ces 169 milliards de déficit et ces 3 300 milliards de dette ne sont pas de simples abstractions comptables. Mais derrière les débats budgétaires et les injonctions économiques se pose une question bien plus profonde : quel est le sens du modèle que nous voulons transmettre ?
La dépense publique ne relève pas seulement de l’arithmétique, elle engage une responsabilité morale. Dépenser sans compter, c’est choisir de vivre à crédit sur le dos des générations futures. Une dette excessive n’est pas seulement un problème de soutenabilité : c’est une captation du futur pour le confort du présent, une forme d’irresponsabilité temporelle.
Mais réduire la dépense, ce n’est pas neutre non plus. Cela soulève une question de justice distributive tout aussi vertigineuse : qui doit consentir l’effort ? Les retraités ? Les fonctionnaires ? Les classes moyennes ? Les territoires périphériques ? Chaque euro économisé sur les 435 milliards du budget national redistribue les sacrifices. Le débat budgétaire est un débat de société : il révèle nos choix de civilisation.
Redonner du sens au travail
Cette interrogation sur la justice distributive nous ramène inévitablement à la question du travail. Depuis Aristote jusqu’à Hannah Arendt, le travail n’a jamais été seulement un moyen de subsistance. Il est une modalité d’inscription dans le monde, une manière d’exister, de contribuer, d’être reconnu. Dire qu’il faudrait « travailler plus » ne peut se réduire à une logique quantitative ou punitive. Il faut interroger le sens du travail dans nos vies.
Travaillons-nous pour vivre, ou vivons-nous pour travailler ? Dans une société post-industrielle tiraillée entre burnout et chômage de masse, entre quête de sens et précarité, la vraie question est celle de la qualité du travail, de son utilité, de sa reconnaissance. Il ne suffit pas d’augmenter le volume d’heures : il faut aussi améliorer les conditions, revaloriser les métiers essentiels, donner des perspectives aux jeunes générations. Sans cette transformation qualitative, toute réforme budgétaire restera un ajustement comptable sans adhésion sociale.
Reconquérir notre autonomie collective
Ce lien entre travail et reconnaissance nous conduit naturellement vers la question de la souveraineté. Elle touche à une valeur cardinale de la modernité politique : l’autonomie collective. Mais dans un monde d’interdépendances profondes – énergétiques, technologiques, stratégiques –, l’autarcie est une illusion.
La vraie souveraineté ne consiste pas à se couper du monde, mais à choisir librement ses dépendances, à maîtriser ses alliances, à garder la capacité de décider. Produire des batteries en Europe, défendre nos données, assurer notre sécurité sanitaire : ce sont là des actes de souveraineté active, non de repli. Des choix qui conditionnent notre capacité à financer nos services publics sans dépendre de la bienveillance des marchés financiers.
Un même défi : réinventer notre rapport au temps
Ce triptyque – dette, travail, souveraineté – n’est pas une juxtaposition de problèmes distincts. Il nous confronte à une même vérité : nous devons repenser notre rapport au temps.
Le temps du travail, qui structure nos vies présentes. Le temps de la dette, qui engage notre futur. Le temps de la nation, qui relie notre histoire à celle du monde. Ces trois temporalités s’entrelacent : on ne peut alléger la dette sans transformer le travail, ni reconquérir notre souveraineté sans retrouver une capacité d’investissement public.
Car nous vivons dans une époque marquée par la finitude : finitude des énergies et des ressources, des équilibres naturels, des illusions infinies. Face à cette réalité, nous ne pouvons plus nous contenter de rafistoler l’ancien monde. Il est temps de redéfinir ensemble les contours d’une prospérité durable, juste et réellement souveraine, fondée sur autre chose que la seule consommation et la croissance.
Redoubler les efforts et leur donner du sens, au service d’un grand projet commun : celui de la sobriété. Non pas la sobriété comme renoncement, mais comme projet politique d’une société qui assume ses limites pour mieux garantir ses libertés. Une sobriété qui réconcilie responsabilité envers les générations futures, qualité du travail au présent, et autonomie collective face aux aléas du monde.
Voilà le vrai défi politique du XXIe siècle : faire de la contrainte budgétaire non pas une fatalité subie, mais le levier d’une refondation choisie.
Un pays qui prélève plus de 1 000 milliards d’euros chaque année peut-il vraiment être en faillite ? C’est bien le paradoxe français.
La France détient l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés du monde développé, avec 42,8 % du PIB en 2024. Pourtant, le déficit atteint 169 milliards d’euros, soit 5,8 % de la richesse nationale, et la dette publique dépasse désormais 3 300 milliards, l’équivalent de 113 % du PIB.
Derrière ce paradoxe se cachent deux réalités bien distinctes. Le « bloc social » – retraites, santé, chômage, prestations diverses – absorbe près de 900 milliards d’euros par an, mais se finance largement par ses propres ressources et reste globalement à l’équilibre.
À côté, le « budget national », chargé des missions régaliennes comme l’éducation, la sécurité, la justice ou la défense, affiche un déficit chronique. En 2024, ses recettes nettes avoisinent 325 milliards d’euros quand ses dépenses dépassent 435 milliards. Rien que pour l’État, le trou atteint environ 110 milliards, auxquels s’ajoutent ceux des collectivités et des hôpitaux publics.
Le piège est clair : la masse du bloc social occupe tout l’espace fiscal, rendant toute hausse d’impôts impossible. La TVA culmine déjà à 20 %, l’impôt sur les sociétés à 25 %, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 45 %. Taxer davantage serait contre-productif. Or la croissance, qui oscille autour de 1 % par an, ne suffit pas à redresser les comptes. Résultat : la dette pourrait approcher 4 000 milliards d’ici 2029, soit autour de 130 % du PIB, tandis que la note souveraine de la France a déjà été abaissée en 2025.
Trois voies se dessinent désormais. Le statu quo, qui laisse filer les déficits jusqu’à la sanction des marchés. La réforme administrative, utile mais insuffisante pour inverser la tendance. Une refondation plus profonde : recentrer la solidarité publique sur un socle universel, confier aux complémentaires privées régulées une partie des prestations et restituer une partie des économies aux ménages et aux entreprises sous forme de baisse de charges.
Seul ce « New Deal social » pourrait stabiliser la dette autour de 115 % du PIB tout en redonnant du pouvoir d’achat et en renforçant la compétitivité.
La question n’est donc plus économique mais politique : faut-il refonder notre modèle social – justifié pendant les Trente Glorieuses par une croissance, une industrie, une démographie et un contexte favorables, mais devenu intenable – de l’intérieur, ou attendre que les marchés et l’Europe nous imposent la réforme de l’extérieur, par FMI interposé ?
Au-delà des chiffres : une crise de sens
Endettement public record, fatigue fiscale, fragilité industrielle, tensions sociales… Le diagnostic est connu, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mais ces 169 milliards de déficit et ces 3 300 milliards de dette ne sont pas de simples abstractions comptables. Mais derrière les débats budgétaires et les injonctions économiques se pose une question bien plus profonde : quel est le sens du modèle que nous voulons transmettre ?
La dépense publique ne relève pas seulement de l’arithmétique, elle engage une responsabilité morale. Dépenser sans compter, c’est choisir de vivre à crédit sur le dos des générations futures. Une dette excessive n’est pas seulement un problème de soutenabilité : c’est une captation du futur pour le confort du présent, une forme d’irresponsabilité temporelle.
Mais réduire la dépense, ce n’est pas neutre non plus. Cela soulève une question de justice distributive tout aussi vertigineuse : qui doit consentir l’effort ? Les retraités ? Les fonctionnaires ? Les classes moyennes ? Les territoires périphériques ? Chaque euro économisé sur les 435 milliards du budget national redistribue les sacrifices. Le débat budgétaire est un débat de société : il révèle nos choix de civilisation.
Redonner du sens au travail
Cette interrogation sur la justice distributive nous ramène inévitablement à la question du travail. Depuis Aristote jusqu’à Hannah Arendt, le travail n’a jamais été seulement un moyen de subsistance. Il est une modalité d’inscription dans le monde, une manière d’exister, de contribuer, d’être reconnu. Dire qu’il faudrait « travailler plus » ne peut se réduire à une logique quantitative ou punitive. Il faut interroger le sens du travail dans nos vies.
Travaillons-nous pour vivre, ou vivons-nous pour travailler ? Dans une société post-industrielle tiraillée entre burnout et chômage de masse, entre quête de sens et précarité, la vraie question est celle de la qualité du travail, de son utilité, de sa reconnaissance. Il ne suffit pas d’augmenter le volume d’heures : il faut aussi améliorer les conditions, revaloriser les métiers essentiels, donner des perspectives aux jeunes générations. Sans cette transformation qualitative, toute réforme budgétaire restera un ajustement comptable sans adhésion sociale.
Reconquérir notre autonomie collective
Ce lien entre travail et reconnaissance nous conduit naturellement vers la question de la souveraineté. Elle touche à une valeur cardinale de la modernité politique : l’autonomie collective. Mais dans un monde d’interdépendances profondes – énergétiques, technologiques, stratégiques –, l’autarcie est une illusion.
La vraie souveraineté ne consiste pas à se couper du monde, mais à choisir librement ses dépendances, à maîtriser ses alliances, à garder la capacité de décider. Produire des batteries en Europe, défendre nos données, assurer notre sécurité sanitaire : ce sont là des actes de souveraineté active, non de repli. Des choix qui conditionnent notre capacité à financer nos services publics sans dépendre de la bienveillance des marchés financiers.
Un même défi : réinventer notre rapport au temps
Ce triptyque – dette, travail, souveraineté – n’est pas une juxtaposition de problèmes distincts. Il nous confronte à une même vérité : nous devons repenser notre rapport au temps.
Le temps du travail, qui structure nos vies présentes. Le temps de la dette, qui engage notre futur. Le temps de la nation, qui relie notre histoire à celle du monde. Ces trois temporalités s’entrelacent : on ne peut alléger la dette sans transformer le travail, ni reconquérir notre souveraineté sans retrouver une capacité d’investissement public.
Car nous vivons dans une époque marquée par la finitude : finitude des énergies et des ressources, des équilibres naturels, des illusions infinies. Face à cette réalité, nous ne pouvons plus nous contenter de rafistoler l’ancien monde. Il est temps de redéfinir ensemble les contours d’une prospérité durable, juste et réellement souveraine, fondée sur autre chose que la seule consommation et la croissance.
Redoubler les efforts et leur donner du sens, au service d’un grand projet commun : celui de la sobriété. Non pas la sobriété comme renoncement, mais comme projet politique d’une société qui assume ses limites pour mieux garantir ses libertés. Une sobriété qui réconcilie responsabilité envers les générations futures, qualité du travail au présent, et autonomie collective face aux aléas du monde.
Voilà le vrai défi politique du XXIe siècle : faire de la contrainte budgétaire non pas une fatalité subie, mais le levier d’une refondation choisie.
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