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13 OCTOBRE 2025 (#106)
COMMENT LA FRANCE PEUT-ELLE ENCORE "FAIRE NATION" ?
La formule reste l’une des plus justes jamais prononcées sur la France. La nation, disait-il, est mémoire et volonté… ..
En 1882, Ernest Renan définissait la nation comme « une âme, un principe spirituel », née à la fois « d’un riche legs de souvenirs » et du « désir de vivre ensemble ».
La formule reste l’une des plus justes jamais prononcées sur la France. La nation, disait-il, est mémoire et volonté. Ces deux piliers, aujourd’hui, vacillent. Nous ne partageons plus un récit, et nous doutons de vouloir encore marcher ensemble. Le “nous” collectif s’est effacé : tribus, causes, appartenances se juxtaposent sans s’unir.
Nous sentons confusément que peu nous relie encore ; que le mot “France” suscite plus de crispations que d’élan ; que nous ne savons plus très bien ce que signifie “faire partie d’un même peuple”.
Pourquoi ce doute sur nous-mêmes ? Pourquoi ce sentiment d’éparpillement, d’archipélisation, de communautés qui vivent côte à côte sans se comprendre ? Pourquoi cette impression que le langage commun s’est dissous, que l’histoire n’unit plus, et que la fraternité s’est retirée du champ républicain ?
Répondre à ces questions, c’est chercher le chemin du recommencement. Refaire nation ne consiste pas à restaurer un passé figé, mais à reconstruire la possibilité d’un avenir partagé. Car sans sentiment d’appartenance, il n’y a ni démocratie vivante, ni confiance civique, ni souveraineté réelle.
Chaque époque doit redéfinir cette idée pour elle-même.
Pour Renan, la nation n’est pas un fait biologique ni géographique, mais un plébiscite de tous les jours : une volonté d’avenir commune. Cette conception, fondée sur l’adhésion volontaire plutôt que sur l’origine, demeure le socle du patriotisme civique moderne.
Un siècle plus tard, Benedict Anderson montra dans Imagined Communities (1983) que les nations modernes sont des communautés imaginées : elles existent parce que des individus croient qu’elles existent.
David A. Bell, historien de la Révolution française, souligna comment la ferveur patriotique du XVIIIᵉ siècle remplaça la religion comme source d’émotion collective.
Anthony D. Smith rappela que toute nation repose sur un récit mythique : des histoires, des symboles et des héros qui relient les vivants aux morts.
Enfin, Frederick Cooper, dans Citizenship between Empire and Nation (2014), montra que la nation fut aussi une invention juridique : le cadre où purent se développer la citoyenneté, l’école publique et la redistribution.
Ces approches convergent. La nation est à la fois imaginaire, juridique, émotionnelle et morale.
Pour Renan, elle est volonté ; pour Anderson, imagination ; pour Bell, ferveur ; pour Smith, mémoire ; pour Cooper, cadre de droits.
Elle relie des individus qui décident de ne pas être seulement voisins, mais concitoyens. C’est ce choix de la communauté politique qui, depuis deux siècles, fonde la singularité des démocraties modernes.
On la décrit comme un projet politique, mais on la vit comme une administration. Elle additionne les compétences sans produire d’adhésion, car la valeur ajoutée de son action reste abstraite. Les citoyens perçoivent des décisions venues d’en haut, sans en voir les effets concrets.
Une communauté politique ne vit pas d’intentions, mais de preuves : sécurité, énergie, recherche, protection des frontières et des biens communs. Faute d’incarner ces dimensions, l’Union se heurte à la défiance.
Pour qu’elle renaisse, elle doit devenir une Europe des nations, fondée sur des coopérations volontaires et concrètes : défense, énergie, transition industrielle.
Une Europe à géométrie fonctionnelle, claire dans ses missions et visible dans ses résultats. Alors seulement, les Européens retrouveront le sentiment d’appartenir à une aventure commune, parce qu’ils en percevront la réalité.
Ce diagnostic vaut aussi pour la France. La nation promet le bien commun, mais en laisse trop souvent la trace s’effacer. L’État décide, prélève, régule, sans toujours incarner. On ne doute pas de la nation, mais de son utilité concrète. Elle s’affirme en théorie, s’absente en pratique.
La France doute d’elle-même parce qu’elle ne parvient plus à tenir ses promesses.
La République s’était construite sur l’idée du bien commun : école, méritocratie, ascension sociale… ..
POURQUOI L’IDÉE DE NATION S’ÉRODE
La France doute d’elle-même parce qu’elle ne parvient plus à tenir ses promesses.
La République s’était construite sur l’idée du bien commun : école, méritocratie, ascension sociale. Ces institutions qui formaient jadis le cœur du lien civique reproduisent désormais les fractures sociales qu’elles étaient censées surmonter. Les territoires se désynchronisent : métropoles connectées au monde d’un côté, régions reléguées de l’autre. Comment désirer “vivre ensemble” quand l’expérience quotidienne n’est plus partagée ?
Cette fracture n’est pas seulement économique. Elle est culturelle et identitaire. Depuis un demi-siècle, la France a changé de visage : migrations, mondialisation, montée des revendications communautaires. Cette diversité pourrait être une force, si elle s’inscrivait dans un cadre commun. Mais l’intégration, longtemps portée par l’école, la langue et la citoyenneté, s’est affaiblie. Dans certaines zones, la coexistence s’est muée en juxtaposition. Le sentiment d’un destin partagé recule, remplacé par la coexistence de récits concurrents.
À cela s’ajoute un trouble de souveraineté. Entre Bruxelles, les marchés, les GAFAM et les juridictions supranationales, le pouvoir s’est dilué. Qui décide ? Au nom de qui ? Pour qui ? La citoyenneté, jadis cadre de l’action populaire, devient abstraite. L’individu perçoit un État lointain, parfois protecteur, souvent impuissant.
L’histoire nationale elle-même est devenue champ de bataille mémoriel. On ne sait plus si l’on doit enseigner, débattre, ou déconstruire. Les mémoires se fragmentent : colonisation, guerres, religion, immigration. L’unité symbolique se défait à mesure que le passé se morcelle.
Enfin, la modernité a confondu liberté et isolement. Pendant des siècles, la dépendance mutuelle créait la solidarité : le paysan du forgeron, le maire du paysan, l’instituteur du boulanger. En voulant être autonomes de tout, nous avons cessé de dépendre les uns des autres. La nation ne s’efface pas seulement dans les discours : elle s’évapore dans le confort et la fragmentation.
La nation s’érode quand elle laisse s’installer les différences sans les inscrire dans un cadre commun, quand elle n’impose plus son récit collectif, et quand elle réduit la citoyenneté à la somme des libertés individuelles.
Aux États-Unis, le patriotisme s’exprime dans les gestes du quotidien : drapeau à l’école, serment d’allégeance, hymne avant chaque match. Ce n’est pas de l’uniformité, mais la liturgie du commun.
En Pologne ou en Israël, la nation s’éprouve comme une survie : la mémoire de l’épreuve fonde la cohésion.
Dans les pays nordiques, la confiance fait foi : on paie l’impôt parce qu’on sait qu’il finance le bien collectif.
Ces nations n’ont pas effacé leurs différences ; elles les ont contenues dans une conscience partagée de l’appartenance.
La France, elle, peine à formuler une vision fédératrice. Elle demeure fière mais critique, universaliste mais divisée, attachée à l’égalité mais soupçonneuse de toute autorité morale. Le mot “patrie” semble daté, le drapeau suspect, la fierté nationale inconvenante. Le pays s’archipélise en intérêts, en mémoires et en colères. Là où le désir d’un destin commun faiblit, tout devient concurrence — de droits, de récits, de blessures… ..
Refaire nation suppose de comprendre pourquoi d’autres ont su préserver leur cohérence.
Là où la mémoire commune est entretenue, la volonté collective perdure. Là où la loyauté se voit récompensée, la confiance civique s’enracine. Là où la solidarité est visible, la fraternité redevient naturelle.
«ON NE PEUT PAS REFAIRE NATION, SI ON NE LA VOIT PAS» (Napoléon 1er)
Recréer le lien civique suppose de rendre le commun visible, utile et sensible. C’est à l’échelle du quartier, de l’école, du service public, de la mairie… ..
Recréer le lien civique suppose de rendre le commun visible, utile et sensible. C’est à l’échelle du quartier, de l’école, du service public, de la mairie, de la justice et de la santé que la République doit redevenir tangible.
1. Rendre le commun concret
Décentraliser sans déliter, déléguer sans diviser, faire descendre la promesse nationale jusqu’aux lieux de vie. Quand la nation redevient utile, elle redevient aimée. L’efficacité de l’action publique fonde la confiance politique : on croit à la nation quand on en voit les effets sur sa vie quotidienne.
2. Réhabiliter l’école et le savoir civique
L’école doit redevenir le lieu où l’on apprend à comprendre avant de se distinguer, à débattre sans se déchirer, à aimer sans exclure. L’enseignement de l’histoire doit cesser d’être un champ de repentance ou de triomphe, pour redevenir un récit partagé : une mémoire commune, lucide mais fédératrice.
3. Expérimenter la fraternité
Un service civique universel, court mais obligatoire, pourrait offrir à chaque jeune une expérience concrète de la fraternité républicaine. Servir ensemble, c’est se découvrir semblables. Cette pratique du collectif prépare à la citoyenneté réelle : celle qui relie les droits à la responsabilité.
4. Réhabiliter les symboles
Les symboles civiques ne sont pas des reliques : ils sont le langage du lien. Le drapeau, l’hymne, la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté rappellent que la République est d’abord une communauté de sens. Il faut réinventer une liturgie civique adaptée à notre époque : visible, sobre, inclusive, assumée.
5. Redonner sens à la proximité
La loyauté politique naît de la confiance vécue. Le maire, l’infirmière, le gendarme, l’enseignant : ces figures du quotidien incarnent la République mieux que les institutions lointaines. Refaire nation, c’est rapprocher le collectif du vécu.
La nation se refonde quand les citoyens perçoivent que l’appartenance nationale améliore réellement leur vie. Cela exige des politiques lisibles, des institutions crédibles et un récit commun, clair sur ses valeurs et sobre dans ses ambitions.
Refaire nation, c’est rendre visible ce que nous avons en commun, utile ce que nous partageons, et désirable ce que nous devons construire.
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